Déficit de l'État : quand le conjoncturel masque le structurel

Par Julien Chemoul

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Le rapport de la Cour des Comptes sur le budget de l'État 2016 présente des résultats bruts plutôt encourageants, mais l'institution fait une analyse très critique de la situation financière de l'État.

D'un point de vue des résultats bruts, le budget 2016 présente un déficit de 69,1 milliards d'euros en légère diminution par rapport à 2015. Il est, de plus, inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale qui prévoyait 72,3 milliards de déficit et aux objectifs de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 qui visait 70 milliards.

Toutefois, la Cour met en évidence que ces résultats sont largement dus à des événements conjoncturels qui n'ont pas, par nature, vocation à se reproduire, alors que structurellement le déficit public ne se résorbe pas.

Concernant les recettes fiscales, elles atteignent 284,1 milliards d'euros, soit un manque de 3,8 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Toutefois, le montant des recettes nettes après prélèvement s'établit à 234,9 milliards d'euros soit un montant proche (-1,1 milliard d'euros) de celui fixé par la LFI. En premier lieu, l'État a encaissé en 2016, deux années de redevance d'usage des fréquences soit un montant de 1,3 milliards. Il a ensuite pu prélever 2,4 milliards d'euros sur la Compagnie d'assurance sur le commerce extérieur. Ce montant qualifié d'exceptionnel par la Cour n'est absolument pas garantie pour les années à venir.

Le budget de l'État a aussi bénéficié d'une baisse de ses prélèvements sur recettes de 2 milliards d'euros d'une part au profit de l'Union européenne, qui accuse un retard dans la mise en œuvre de son cadre financier 2014-2020, et d'autre part au titre du fonds de compensation de la TVA au profit des collectivités territoriales. Concernant ce dernier point, on notera le caractère quelque peu paradoxal de ce résultat. La baisse des dotations de l'État au profit des collectivités territoriales a eu pour conséquence des reports ou des annulations d'opérations d'investissement engendrant la diminution des sollicitations du FCTVA, malgré l'extension de celui-ci aux dépenses d'entretien des bâtiments publics. On pourrait alors évoquer l'effet multiplicateur de la baisse des dépenses publiques. Toutefois, les collectivités ayant reconstitué leur marge de manœuvre, notamment leur épargne nette, les investissements locaux devraient repartir à la hausse et cette diminution ne peut pas être regardée comme pérenne pour l'État.

Concernant les dépenses, l'analyse se révèle tout aussi critique. Si elle met en évidence un niveau de dépense nette inférieur de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la LFI, elle constate que cela provient essentiellement d'économie massive sur la charge de la dette. Les taux d'intérêts ayant connu des niveaux historiquement bas, l'État a pu se financer à très bas coût, voir avec des taux d'intérêts négatifs. Hors charges d'intérêts, les dépenses dépassent les autorisations de 1,6 milliard d'euros. L'augmentation des charges de personnel est de 1,6 %. Le protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, signé en 2015 et s'appliquant aussi aux agents des collectivités territoriales, ayant des effets s'étalant dans le temps, la diminution des charges de personnel sera difficile à obtenir. Enfin, l'État a eu recours à des emprunts obligataires avec des primes d'émission. Cette technique permet d'émettre des emprunts dont la valeur sur laquelle est calculée le taux d'intérêt est supérieure à sa valeur nominale. Elle permet de limiter l'augmentation de la dette financière à court terme, mais viendra alourdir la charge de la dette à moyen et long terme.

En conclusion, la Cour note que l'année 2016 est une occasion manquée pour l'État qui aurait pu bénéficier d'élément conjoncturel favorable pour continuer à assainir sa situation budgétaire, au lieu de s'en servir pour laisser filer ses déficits structurels.

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