Budget 2018 : entre mutation profonde et mesures de détail

Par Julien Chemoul

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La loi de finances pour 2018 ainsi que la loi de finances rectificative pour 2017 ont été définitivement adoptées le 21 décembre 2017. Sans surprise, les deux textes ont fait l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel. Cette décision était particulièrement attendue sur la question du dégrèvement de la taxe d’habitation.

En effet, l’article 5 de la loi de finances dispose que les contribuables dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 27 000 € pour les personnes seules et 43 000 € pour les couples, majoré de 6 000 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, bénéficie à compter de 2018 d’un dégrèvement de 30 % de la cotisation de taxe d’imposition. Certains estimaient que cette mesure crée une rupture d'égalité devant les charges communes et porte atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2017 a considéré  que cette mesure ne violait aucune norme à valeur constitutionnelle.Toutefois, il précise sur l'un et l'autre point qu'il pourrait réexaminer ces dispositions dans le cadre de la réforme globale de la fiscalité locale annoncée par le gouvernement. Ainsi, cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier. Le calendrier de mise en œuvre prévoit donc une diminution progressive de 30 % en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020. Comme prévu, les collectivités territoriales continueront à bénéficier de la liberté de fixation des taux. Néanmoins, en cas de hausse, les dégrèvements s'appliqueront sur la base des taux 2017. Ainsi, les contribuables auront à leur charge la quote-part d'impôt supplémentaire résultant de cette hausse de taux. En outre, il est à noter que la taxe d'habitation représente une recette de 21,9 milliards en 2016. Or, il convient de se rappeler que le dégrèvement se caractérise par une prise en charge de l'impôt des contribuables exonérés par l'État. Celui-ci aura donc à financer une somme bien plus importante que les 11 milliards de baisse de la dotation globale de fonctionnement intervenue entre 2014 et 2017. Il est donc tout à fait logique que le gouvernement ait finalement voulu généraliser la suppression de cette taxe d'habitation et lancer une réforme globale de la fiscalité locale, le budget de l'État n'étant pas en mesure de financer durablement cette mesure.

Concernant la dotation globale de fonctionnement, elle reste stable en 2018, conformément aux engagements gouvernementaux. Elle s'élève ainsi à 27 milliards d'euros. La différence avec les 31 milliards inscrits en 2017 tient au remplacement de la DGF des régions en leur affectant 3 % du produit de la TVA. Ce transfert permet aux régions de bénéficier d'une ressource dynamique bien qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de fixation des taux. La loi de finances procède à la consolidation des attributions de DGF négative. Certaines collectivités percevaient un montant de DGF inférieur à celui de contribution au redressement des finances publiques, elles subissaient donc un prélèvement sur leurs recettes créant ainsi une DGF négative.

Avec la disparition de cette contribution, il était nécessaire de pérenniser ce mécanisme afin de ne pas offrir un avantage à ces collectivités par rapport à celles qui ont subi une baisse de leur dotation. La dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité augmentent d'au moins 110 millions d'euros et 90 millions d'euros par rapport à 2017. Les montants mis en répartition devraient donc s'établir à 2,2 milliards d'euros pour la dotation de solidarité urbaine et 1,43 milliards d'euros pour la dotation de solidarité rurale. Le financement de cette mesure est assuré par la minoration de la dotation forfaitaire des communes et de la dotation de compensation des établissements publics de coopération intercommunale sur arbitrage du comité des finances locales. Contraint par ce mécanisme, le comité des finances locales se contente habituellement de respecter les minimas légaux d'augmentation. La mauvaise nouvelle provient essentiellement des variables d'ajustement. Désormais, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle des communes et de leurs groupements devient une variable d'ajustement. De plus, ce fond est diminué de 137 millions d'euros. Le gouvernement a fait le choix de faire varier la réduction de la DCRTP en fonction du niveau des recettes réelles de fonctionnement des groupements. Ce choix est fortement contesté par les associations d'élus. Le critère retenu tend plus, de leur point de vue, à montrer le niveau d'intégration des ensembles intercommunaux et non leur richesse. En effet, il existe une corrélation entre le nombre de compétence transféré et le montant des recettes perçu par une intercommunalité.

En terme de péréquation, l'article 163 de la loi de finances dispose qu'à « compter de 2018, les ressources du fonds [de péréquation des ressources intercommunales et communales] sont fixées à 1 milliard d'euros ». Cet article met ainsi définitivement fin à l'objectif de porter le montant de ce fonds à 2 % des recettes fiscales du bloc communal, soit 1,2 milliards d'euros. Le même article revoit le mécanisme de garantie des collectivités devenues inéligibles au FPIC afin d'éviter les baisses trop brutales. Elles percevront des garanties représentant de 85 % en 2018 et 70 % en 2019 des montants perçus au lieu de 75 % et 50%. En terme de péréquation, le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-france est porté à 330 millions d'euros en 2018. Cette augmentation entraîne le relèvement à 13,5 % des recettes fiscales, contre 13 % précédemment, du plafond de contribution des collectivités prélevées au titre du FPIC et du FSRIF.

L'article 163 modifie la répartition du fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Suite au transfert de la compétence transports publics du département à la région par la loi du 7 août 2015 et la volonté du législateur de doter les régions de ressources dynamiques, les régions perçoivent désormais 50 % du produit de la CVAE contre 25 % précédemment alors que le département n'en reçoit plus que 23,5 %. Dans le prolongement de cette mesure, le fonds de péréquation de la CVAE perçue par les départements est divisé par 2 et s'établit à 30 millions d'euros en 2018. Il convient de relever que l'article 85 de la loi de finances qui prévoyait une exception à cette nouvelle répartition entre la métropole de Lyon et la région Auvergne-Rhône-Alpes a été censurée par le conseil constitutionnel.

L'article 156 de la loi de finances prévoit qu' « à compter du 1er janvier 2019, les attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée sont déterminées dans le cadre d'une procédure de traitement automatisé des données budgétaires et comptables ». Cette évolution supprime une tache astreignante pour les gestionnaires locaux. Toutefois, les missions de contrôle des calculs effectués devront être renforcées, au moins dans un premier temps, afin de garantir l'effectivité du système. Les modalités de versement du FCTVA demeurent inchangées.

Concernant le soutien à l'investissement, la dotation d'équipement des territoires ruraux subit une simple modification cosmétique. Désormais, la commission départementale, prévue à l'article 2334-37 du CGCT, doit donner son avis sur les projets dont la subvention est supérieur à 100 000 €, contre 150 000 € précédemment. La dotation de soutien à l'investissement créée en 2016 est pérennisée. Elle est pourvue de 665 millions d'euros en 2018. Aux termes de l'article 157 de la loi de finances, elle est destinée à financer les opérations suivantes :

« 1° Rénovation thermique, transition énergétique, développement des énergies renouvelables ; 

2° Mise aux normes et de sécurisation des équipements publics ;

3° Développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements ;

4° Développement du numérique et de la téléphonie mobile ;

5° Création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ;

6° Réalisation d'hébergements et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants ».

La répartition de ce fonds se fait à 65 % en fonction de la population des régions et du département de Mayotte et pour 35 % en fonction de la population des communes situées dans une aire urbaine de moins de 50 000 habitants.

L'article 53 de la loi de finances rectificative valide les délibérations d'établissements de coopération intercommunale instaurant une taxe GEMAPI prises avant le 1er octobre 2017 alors qu'ils n'exercent cette compétence qu'à compter du 1er janvier 2018. En outre, il permet aux autres EPCI de prendre une telle délibération avant le 15 février pour une imposition dès 2018.

Enfin, l'article 115 de la loi de finances pour 2018 rétablit un jour de carence en cas de maladie des fonctionnaires.

Sources :