Contractualisation entre l’État et les collectivités, ou un nouvel épisode du « je t’aime moi non plus »…

Par Mohamed Toubi

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Une nouvelle ère ? Peut-être ! Entre l’État et les collectivités territoriales les relations financières, ces dernières années, n’ont pas toujours été ensoleillées. La contribution au redressement des finances publiques (CRFP) a été un brouillard épais qui a poussé les collectivités à allumer leurs phares et à ralentir. Traduction : les collectivités et leurs établissements de coopération ont dû procéder à des choix et à des arbitrages budgétaires importants, et parfois, conséquents, notamment pour les communes, qui sont à la base de la pyramide du secteur public local, et qui, ce faisant, par effet ricochet, ont subi des baisses de dotations, mais également, des baisses de participations de la part des partenaires financiers (régions, départements, intercommunalité).

Un nouvel horizon budgétaire ? Certainement ! Une nouvelle coopération budgétaire semble voir le jour entre l’État et les collectivités locales. En effet, tout d’abord, la CRFP n’a pas été reconduite pour 2018, signifiant ainsi la fin d’une baisse d’une des principales ressources pour les collectivités. Pour autant, cela signifie-t-il que les beaux jours budgétaires sont de retour ? Que la brume financière a disparu ? Certainement pas. À périmètre constant, toutes choses étant égales par ailleurs, la structure budgétaire des collectivités et de leurs établissements a changé : marges de manœuvre réduites, réduction de l’autofinancement, investissements moindres.

Le nouvel horizon budgétaire sera donc peut-être celui de la contractualisation.

La loi de programmation pour les finances publiques (LPFP) 2018-2022 a fixé des objectifs d’économies pour les collectivités et leurs établissements, d’une part ; en outre, la LPFP 2018-2022 a prévu les modalités de contractualisation entre l’État et certaines collectivités (en fonction de certains critères).

Un plan d’économies de 13 milliards d’euros est tout d’abord prévu. Le nouveau plan d’économies ne prendra pas la forme d’une réduction des transferts financiers de l’État vers les collectivités locales. Le nouveau plan d’économies fixe des objectifs en matière d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement et de l’évolution du besoin de financement annuel. Il s’agit d’une indexation. Ainsi, comme le prévoit la LPFP 2018-2022, pour l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement, un taux de croissance de 1,2 % par an a été pris en compte : les dépenses réelles de fonctionnement devront donc évoluer dans le périmètre d’un taux de croissance évoluant de 1,2 % par an.

S’agissant du besoin de financement annuel, la réduction, pour les collectivités et leurs établissements de coopération, s’établit à hauteur de 2,6 milliards par an, afin d’atteindre, en 2022, 13 milliards d’euros, soit l’objectif du plan d’économies.

L’article 13 de la LPFP prévoit que « Les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées. À l’occasion du débat sur les orientations budgétaires, chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales présente ses objectifs concernant : l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement, exprimées en valeur, en comptabilité générale de la section de fonctionnement ; l’évolution du besoin de financement annuel calculé comme les emprunts minorés des remboursements de dette. »

À la différence de la CRFP, dont le but était de diminuer les dépenses des collectivités par le biais d’une diminution des recettes, le nouvel plan d’économies fixe des objectifs de réduction des dépenses sans amoindrir pour autant, dans un premier temps, les recettes des collectivités. Il y aura donc les bons et les moins bons élèves.

En effet, la LPFP prévoit également les modalités d’une contractualisation entre l’État et certaines collectivités. Toutes les collectivités et tous les établissements ne sont pas, au début de la programmation de la contractualisation, concernés. Les collectivités et les établissements, ayant des dépenses réelles de fonctionnement supérieures à 60 millions d’euros au compte de gestion de l’exercice n-1 sont tout d’abord concernées : soit à peu, 340 collectivités et/ou établissements. Plus précisément, l’article 29 de la LPFP 2018-2022 indique que « Des contrats conclus à l’issue d’un dialogue entre le représentant de l’État et les régions, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, les départements et la métropole de Lyon ont pour objet de consolider leur capacité d’autofinancement et d’organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. Des contrats de même nature sont conclus entre le représentant de l’État, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement constatés dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2016 sont supérieures à 60 millions d’euros. » Il est à noter, que s’ils le souhaitent, de façon volontaire, les autres collectivités et les autres établissements peuvent solliciter un contrat auprès du représentant de l’État.

En termes de modalités d’application, même si certaines choses doivent encore être précisées, l’évolution annuelle des dépenses réelles de fonctionnement, pour les collectivités et établissements concernés, sera plafonnée à 1,2 %. Une modulation du taux, soit à la baisse, soit à la hausse, est possible en fonction de différents critères : la variation de la population relativement à la variation de la moyenne nationale, ou le niveau du revenu moyen par habitant.

Outre, la maîtrise de l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement, les cocontractants devront également maîtriser leur capacité de désendettement. Pour ce faire, le ratio dette / capacité d’autofinancement brut sera utilisé : exprimé en années, ce ratio, en fonction de la strate et la forme de la collectivité, ne doit pas dépasser un certain niveau (à titre d’exemple, il doit être inférieur à 10 ans pour les régions, et inférieur à 12 ans, pour les communes).

L’atteinte ou non de ces objectifs pour les collectivités en matière de « bonus » ou de « pénalités ». Ainsi, si les objectifs sont atteints, voire dépassés, alors, en termes de dotations de soutien à l’investissement local (DSIL), la collectivité ou l’établissement pourront bénéficier d’une majoration pour leurs opérations d’investissement ou d’équipement. Il est à noter que les modalités d’application de la contractualisation restent à préciser, mais il sera vraisemblablement possible pour une collectivité, si elle ne dépasse pas le plafond qui lui est fixé, de pouvoir capitaliser cet écart pour l’exercice ultérieur.

En revanche, si les objectifs ne sont pas atteints, alors la collectivité ou l’établissement qui a contractualisé, se verra appliquer une pénalité financière, au moins égale à 75 % de l’écart constaté, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal. Il s’agit de la reprise financière. Pour les collectivités et établissements qui n’auraient pas contractualisé, et qui n’auraient pas atteint les objectifs, la pénalité serait de 100 % de l’écart constaté, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal. La reprise financière sera prélevée sur les recettes fiscales qui sont versées mensuellement.

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