La révision des valeurs locatives : le vieux serpent de mer jugé « nécessaire » par des maires songeurs

Par Tiphaine Huige

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Certains la pensaient enterrée… Bien qu‘annoncée dès 2009 et reportée à trois reprises, la réforme des valeurs locatives cadastrales est entrée en vigueur en 2017, mais son champ d’application reste restreint.

La révision des valeurs locatives, qui servent de base au calcul de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, va entraîner globalement – à ne pas en douter – une hausse d'impôts pour de nombreux particuliers, que ceux-ci soient locataires ou propriétaires.

Depuis le 1er janvier 2017, seuls les locaux professionnels entrant dans le champ de la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels (RVLLP) disposent d'une nouvelle valeur locative révisée qui est égale au produit de la surface pondérée par un tarif au mètre carré, éventuellement ajusté d'un coefficient de localisation, qui permet de corriger des situations particulières.

 

La RVLLP ne concerne pas, à ce jour, les locaux d'habitation.

 

La réforme envisagée met en place un phénomène pouvant être qualifié de « gagnant/perdant », lié au coefficient de neutralisation. C’est ce qui explique les hausses et les baisses des cotisations.

 

Lors de la rencontre sur la révision des valeurs locatives, organisée récemment, le 30 mai 2017 par l’Association des maires de France (AMF) et l’Association finances gestion évaluation (Afigese) des collectivités territoriales, les maires ont pu se prononcer sur l'avancée de cette révision.

 

En effet, à cette occasion, Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF, précise qu’ « il faut résolument s’engager dans la voie de cette révision sinon on donnera des arguments pour que les impôts locaux soient amenés à disparaître ».

 

Il résulte de ces échanges que la mise en œuvre, cette année, de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels permettrait, notamment, un « rattrapage notable » pour l’Ouest de la France. Toutefois, des évolutions moindres pour l’Est et l’Île-de-France seraient à relever.

 

Concernant les simulations de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) sur les répercussions de la révision des valeurs locatives, réalisées en 2015, il s’agit en réalité de moyennes nationales qui ne traduisent pas forcément la diversité des situations. Ainsi, seul l’examen des données individuelles, disponibles prochainement courant de l’été 2017, permettrait d’analyser correctement les variations.

 

Afin que ces estimations soient réalisables pour chaque commune, les maires ont demandé à la DGFiP que les données qui permettent ces calculs soient mises à leur disposition.

 

Toutefois, le manque d’information notable sur les répercussions de la révision des valeurs locatives ne cesse d’inquiéter les maires.

 

En effet, à titre d’exemple, Frédéric Cuillerier, Président de l'Association des maires du Loiret, expose que « Nous, les maires, nous allons devoir expliquer à nos contribuables commerçants qu’ils paient plus cher alors que la grande distribution connaît des baisses assez sensibles […] Attention, nous allons devoir faire face à des demandes importantes. »

 

Une autre inquiétude émerge au sein de ces échanges, se traduisant par le fait que la réforme favoriserait le déplacement des boutiques du centre-ville vers les centres commerciaux situés en périphérie.

 

Par ailleurs, et par effet domino, la réforme des valeurs locatives affectera d’autres champs des finances locales, notamment par le biais du potentiel fiscal, qui sera modifié. Il y aura donc des conséquences sur les dotations et les systèmes de péréquation actuels. Ce phénomène n’interviendrait pas avant l’application de la révision des valeurs locatives pour les locaux d’habitation en raison de la neutralisation.

 

Malgré ces nombreux doutes, les maires, plutôt consensuels, mettent en avant l’avantage de cette réforme, qui selon eux, laisserait aux collectivités le moyen de résoudre les problèmes et donnerait les moyens de corriger les anomalies avec la possibilité de revoir la sectorisation tous les six ans ou la mise à jour annuelle des loyers.

 

Cette rencontre du 30 mai 2017 a permis de faire le point sur les premiers résultats de l’expérimentation engagée par la DGFiP dans 5 départements (Charente-Maritime, Nord, Paris, Orne et Val-de-Marne).

 

L'hypothèse retenue serait une modification des taux avec neutralisation des effets d'aubaine pour les locaux industriels. Dans cette optique, on éviterait ainsi une trop forte augmentation des cotisations et cela permettrait de neutraliser l'impact sur les ressources des collectivités. De bon augure !

 

Seul Paris devrait subir une perte de quelques milliers d’euros...

 

Autre interrogation, non des moindres, quelles seront les conséquences de l’allègement, voulu par le Président de la République récemment élu, Emmanuel Macron, de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables sur la révision des valeurs locatives ? À bon droit, les maires de France s’interrogent : « L’application de cette mesure ne faciliterait-elle pas la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation ? Quelles assiettes seront prises en compte ? Quels taux de taxe d’habitation devra-t-on prendre en compte pour le calcul de la prise en charge par l’État des pertes de recettes occasionnées ? ».

 

Nombreuses incertitudes demeurent donc dans ce chantier de la réforme des valeurs locatives.

 

Pour l’instant, les données nécessaires pour pouvoir estimer précisément les futures taxes restent partielles.

 

Les maires participants ont, naturellement, montré leurs interrogations sur les conséquences pratiques et pédagogiques d’une réforme jugée par l’AMF « d’impérieuse nécessité pour préserver la fiscalité locale ».

 

À noter enfin que Philippe Laurent a conclu la séance de fin mai 2017 en indiquant que l’AMF sera à l’initiative d’une réunion de l’ensemble des présidents d’associations du bloc communal sur la révision et sur la taxe d’habitation. Comme souvent donc, affaire à suivre de très, très près !

 

Source :

 

La révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels (RVLLP) est effective depuis le 1er janvier 2017 – Portail de l'État au service des collectivités