Refonte de la fiscalité locale : des pistes à préciser

Par Julien Chemoul

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La mission Richard-Bur, mandaté le 12 octobre 2017 par le gouvernement dans le cadre d’une mission relative au pacte financier entre l’État et les collectivités territoriales, a rendu une note de problématique en janvier sur « les enjeux d’une refonte de la fiscalité locale ».

Ce rapport rappelle que le Président de la République a annoncé la suppression totale de la taxe d’habitation le 23 novembre 2017 lors du congrès des maires. Les enjeux se situent à deux niveaux. En premier lieu, la suppression de la TH entraîne ce que la commission appelle des « effets de bord ». Ainsi, la taxe d’habitation constitue un support de répartition des taxes additionnelles, telle que la nouvelle taxe GEMAPI. Avec la disparition programmée de la TH, ces taxes n’impacteraient plus que la taxe foncière et la Contribution foncière des entreprises alourdissant de fait la charge fiscale de ces contributeurs. La TH joue un rôle central dans la règle de lien entre les taux. Ainsi, les collectivités peuvent soit décider d’une variation proportionnelle des taux, soit décider d’une variation différenciée. Mais, dans ce deuxième cas, l’évolution du taux de la TH sert d’étalon afin de limiter les augmentations ou diminutions possibles de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la contribution foncière des entreprises. De plus, les rôles de TH permettent, actuellement, le recouvrement de la contribution sur l’audiovisuel public. Enfin, la suppression la TH aurait un impact sur les relations au sein du bloc communal, notamment sur le versement des attributions de compensation et des dotations de solidarité communautaire. Toutefois, ces aspects techniques ne constituent pas la problématique centrale que constitue le financement des collectivités territoriales.

La commission rappelle que la disparition de cette imposition ne dispense pas de continuer le processus de révision des bases locatives d’habitation, celle concernant les locaux professionnels étant effective depuis le 1er janvier 2017. Elle permettrait de réduire les inégalités entre contribuables. Les évaluations de base datant de 1970 aboutissent à toujours classer des bâtiments détériorés dans des catégories supérieures alors que les logements de centre-ville, bien souvent rénovés, continuent de bénéficier de classement faible. Il en résulte une inégalité entre contribuables. Une telle révision permettrait de mettre en adéquation la base taxable et les services publics offerts. Les collectivités ont par exemple étendu les réseaux sans bénéficier d’un retour fiscal sur ces investissements. Enfin, les collectivités possédant un parc neuf ou rénové bénéficient d’une dynamique de leur imposition les rendant dépendantes des opérations de rénovation ou de construction nouvelles. Le DGFIP estime qu’une telle réforme prendrait au moins 5 ans.

En second lieu, la commission définit les enjeux d’une réforme de la fiscalité avant d’envisager des pistes de travail. Elle met en avant quatre critères qu’il convient de respecter :

  • adéquation des ressources fiscales adaptées à chaque catégorie de collectivités : pour cela, la commission décline quatre types de cohérences à respecter que sont l’adéquation des ressources fiscales aux compétences exercées, une dynamique commune des recettes fiscales à la dépense locale, une concordance entre le produit de la fiscalité locale et les besoins à satisfaire et un lien entre la base taxable et le degré de proximité du service public rendu ;
  • garantir l’équité entre les contribuables et préserver la solidarité financière entre les territoires : pour la commission, « la refonte de la fiscalité doit donc viser à mettre en œuvre une fiscalité plus a priori, afin d’éviter de mettre en œuvre des mécanismes péréquateurs lourds et complexes » ;
  • simplifier le paysage fiscal local pour les contribuables et les collectivités locales ;
  • assurer l’autonomie financière des collectivités.

La commission identifie alors trois principales familles de ressources pouvant être mobilisées :

  • le recours aux dotations de l’État ;
  • l’attribution de fraction d’impôts nationaux ;
  • la réallocation ou l’aménagement d’impositions existantes.

Chacune de ces possibilités est étudiée. La commission considère que la mobilisation des dotations de l’État n’est pas possible dans la mesure où elle ne permettrait pas d’assurer les ratios d’autonomie financière des collectivités sauf à les abaisser. L’attribution de fraction d’impôt national créerait une rupture entre impôt et territoire. Or, les collectivités sont fortement attachées à cette territorialisation des impôts locaux et il constitue un élément fort de responsabilité politique. Enfin, la réallocation des impositions existantes a les faveurs de la commission de par son acceptabilité présumée par les collectivités, sa faisabilité juridique et le respect du principe de l’autonomie financière. Toutefois, cette solution ne permet pas d’obtenir une péréquation satisfaisante a priori.

Cette refonte engagée de la fiscalité ouvre des pistes intéressantes pour les collectivités territoriales et les mécaniques de consultation engagées devraient permettre d’affiner et de préciser le travail entamé.

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