En quoi les contrôles des comptes publics par le secteur privé renforcent-ils l’autonomie financière des collectivités ?

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Les maîtres-mots des obligations européennes sont discipline budgétaire et redressement des finances publiques. Ainsi, au sein de l’Union européenne, les contrôles financiers sur les décisions des collectivités, internes ou externes, assurent la bonne tenue financière de celles-ci. La maîtrise des deniers publics étant le mantra actuel, le contrôle financier des collectivités territoriales s’intensifie, et passe notamment par le secteur privé. Quelles sont donc les caractéristiques de ces contrôles financiers externes ? Comment sont-ils mis en place ? Quel est l’intérêt pour les collectivités territoriales de faire appel au secteur privé pour le contrôle de leurs comptes ?

Même si les collectivités restent enserrées dans un système de contrôle financier étatique, certaines d’entre elles, comme en Hongire, en Italie, au Danemark, en Lettonie ou encore au Royaume-Uni, ont la possibilité de participer au choix de leurs entités de contrôle financier, et de s’adresser par conséquent au secteur privé. Ces contrôles financiers externes, plus ou moins contraignants d’un État à un autre, viennent consolider l’autonomie des collectivités. Certes, cette autonomie laissée aux collectivités reste relative, car ce contrôle externe, exercé entres autres par le secteur privé, est encore marginal et demeure encadré par le pouvoir central, régional ou fédéral. Néanmoins, le fait de pouvoir choisir leur système de contrôle externe conforte la liberté des collectivités en matière de dépenses publiques.

Selon Marie-Anne Vanneaux et Rudy Chouvel dans l’ouvrage De l’autonomie au séparatisme, les contrôles financiers externes se caractérisent de prime abord par leur indépendance vis-à-vis des gouvernements et parlements nationaux et locaux. Autrement dit, les modalités de nomination des membres de ces organismes, définies par les textes a minima législatifs, doivent garantir leur impartialité. En sus des contrôles internes, Marie-Anne Vanneaux et Rudy Chouvel dénombrent quatre catégories de contrôles externes instaurés par :

  • une institution supérieure de contrôle (ISC), à caractère juridictionnel ou non ;
  • une institution régionale de contrôle (IRC) ;
  • un organisme administratif, ministériel ou décentralisé ;
  • le secteur privé.

Les collectivités de l’Union européenne peuvent faire appel à un ou plusieurs de ces dispositifs simultanément. De fait, le contrôle du secteur privé est plutôt complémentaire et se limite essentiellement à un contrôle technique de gestion financière, le contrôle politique étant assuré par les trois autres dispositifs. Il n’existe donc pas de contrôle financier externe des fonds publics uniquement assuré par le secteur privé au sein de l’UE.

La Finlande, la Suède et Malte sont les meilleurs exemples de la privatisation du contrôle financier externe. L’étendue des contrôles à effectuer est alors déterminée contractuellement entre l’auditeur et l’audité. En Suède, ceux qui sont chargés d’assurer ce contrôle technique – comptables du secteur privé, sociétés d’expertise comptable, sociétés d’audit, commissaires aux comptes – sont réunis dans une association de professionnels qui garantit leurs compétences. Le niveau de qualification du contrôleur externe du secteur privé des comptes publics dépend des enjeux financiers de chaque collectivité.

Les contrôles externes assurés par le secteur privé ne sont pas exemptes de critiques. La nomination, par le ministre des Collectivités locales, des membres de la commission d’audit chargée des contrôles financiers des collectivités en Angleterre de 1982 à 2013, a par exemple sérieusement mis en doute l’indépendance de ces contrôles par le secteur privé par rapport au pouvoir central. Depuis 2014, cette commission a été supprimée, laissant la liberté aux collectivités d'organiser le contrôle de leurs comptes publics par le secteur privé, sans passer par un intermédiaire. Cependant, au Royaume-Uni, les collectivités doivent aujourd'hui mettre en concurrence les cabinets comptables privés si elles souhaitent faire appel à eux. Alors que cette privatisation du contrôle financier des collectivités locales tend à devenir la norme et que la France se dirige vers la certification des comptes par des commissaires aux comptes, il est toujours intéressant de se pencher sur les erreurs commises par des États de l’UE qui sont passés par là avant nous.

En somme, le choix des collectivités de recourir au secteur privé peut donc constituer un facteur d’autonomisation des collectivités vis-à-vis du pouvoir central, régional ou fédéral, à condition que l’indépendance de ces contrôleurs soit assurée. Mais, à l’heure de la refonte de la fiscalité locale en France, ce regard croisé sur les contrôles financiers externes dans l’Union européenne montre finalement que l’aspiration des collectivités territoriales à l’autonomie financière est difficilement conciliable avec une recrudescence des contrôles des fonds publics.

Source :

  • De l’autonomie au séparatisme, Compétences, financements et citoyennetés dans les collectivités locales, ouvrage collectif sous la direction de Gilles J. Guglielmi, Berger-Levrault, novembre 2017