PLF 2020 : « Les communes perdent leur marge de manœuvre financière »

Le projet de loi de finances pour 2020, actuellement en cours de discussion au Parlement, prévoit la disparition progressive de la taxe d’habitation d’ici 2023 avec une exonération de 80 % des ménages dès 2020. Un mini-séisme pour les finances des communes, dont elle représente l’une des recettes principales. Quelles conséquences pour le budget des communes ? Comment le manque à gagner sera-t-il compensé ? Marie Gérard, DGS de Janzé une commune de 8 500 habitants située à proximité de Rennes, nous livre son analyse.

Propos recueillis par Agnès Raynal

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Quelles seront les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation pour les finances communales ?

Il est encore difficile pour les communes de mesurer complètement l’impact de la suppression de la taxe d’habitation sur les finances, car nous n’avons pas encore l’ensemble des éléments de la réforme, qui est en cours de discussion au Parlement. Une chose est sûre, en perdant les revenus de la taxe d’habitation, nous perdons notre marge de manœuvre financière, car il s’agit de l’un des trois impôts dont nous maîtrisons le taux actuellement. Le Gouvernement annonce une compensation via le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cela aura plusieurs conséquences : seuls les propriétaires seront taxés, puisque les locataires ne sont pas concernés. Pour l’instant les bailleurs sociaux non plus, pénalisant donc les villes avec une forte présence du logement social. Le montant de la compensation sera figé à un instant T et nous ne savons pas encore si nous aurons la capacité de faire varier cette ressource. Par ailleurs, si le montant transféré de la taxe foncière sur les propriétés bâties est supérieur à ce que nous percevions en revenus de la taxe d’habitation, nous devrons reverser le trop-perçu, que nous soyons une petite ou une grande commune, une ville riche ou une ville pauvre. Cela n’a pas de sens ! La réforme aurait dû être l’occasion de revoir l’ensemble de la fiscalité locale pour favoriser la justice fiscale entre les territoires.

Sur quelles ressources les communes pourront-elles s’appuyer après cette nouvelle réforme de la fiscalité locale ?

Le budget de la ville de Janzé est d’environ 7 millions d’euros et les ressources produites par la taxe d’habitation sont actuellement de 1,5 million d’euros, soit plus de 20 % de nos recettes. En 2020, il n’y aura sans doute pas trop de changement puisque le dispositif prévu par l’État doit compenser à peu près à l’identique. La difficulté sera pour les années à venir puisqu’il est difficile de prévoir concrètement les effets de cette compensation et qu’a priori nous aurons 6 % de l’évolution de notre produit qui sera ponctionné via un coefficient correcteur. Depuis plusieurs années, les communes perdent leur autonomie financière. Nous nous retrouvons paradoxalement de plus en plus dépendants des dotations de l’État, alors même qu’elles sont en diminution. Et ne parlons pas des Départements qui perdront également une source importante de leurs recettes budgétaires en transférant aux communes la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Comment construirez-vous vos prochains budgets ?

Il reste encore beaucoup d’inconnues concernant la réforme de la fiscalité locale, il est donc difficile de faire de la prospective financière. Des formations spécifiques pour comprendre la réforme en cours sont proposées au service financier et nous pouvons compter sur le soutien de l’Association des maires de France. Celui de la Direction générale des finances publiques sera plus compliqué avec les fermetures de trésorerie annoncée… Mais avec cette incertitude sur nos recettes, nous allons devoir être extrêmement prudents sur les dépenses et les investissements. L’année 2020 est une année électorale et le début d’un nouveau mandat est généralement l’occasion de faire des projections financières pour les nouveaux élus, mais cela s’annonce compliqué au vu de la réforme et de ces incertitudes.