Décentralisation des routes nationales : de quoi le projet de loi « 4D » est-il pavé ?

Par Pablo Hurlin-Sanchez

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Le projet de loi « 4D » présenté au Conseil d’État le 2 mars 2021 initie un transfert à la demande des routes nationales. Les départements et les métropoles pourront y prétendre, tout comme les régions à titre expérimental.

Pour compenser ce nouveau transfert de compétences, le gouvernement prévoit d’attribuer en contrepartie une dotation ou une part de fiscalité à hauteur de la moyenne rétrospective des charges de fonctionnement et d’investissement. Une méthode de calcul qui appelle la plus grande vigilance.

Les dispositions du projet de loi relatives au transfert des routes nationales figurent dans trois articles.

L’article 6 prévoit le transfert de certaines routes nationales aux départements et aux métropoles, dont la métropole de Lyon. La procédure de transfert repose sur un accord entre l’État et la collectivité concernée, conclu dans un délai de 5 mois à compter de la publication de la loi : la première étape en est la désignation par l’État des routes transférables, dans un délai de deux mois, puis, dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette liste, les collectivités adressent une demande de transfert de ces voies au ministre des Transports.

Les routes faisant l’objet d’un tel accord sont transférées au 1er janvier 2022 si la décision de transfert est prise avant le 31 juillet 2021, ou au 1er janvier 2023 dans le cas contraire. La collectivité devient propriétaire des routes, qui entrent dans son domaine public routier. Les biens meubles et immeubles utilisés par l’État à la date du transfert pour l’aménagement, l’entretien, l’exploitation ou la gestion de ces routes font également l’objet du transfert de propriété. Dans le cas où des biens sont utilisés à la fois pour des routes transférées aux collectivités et pour des routes non transférées, leur partage fait l’objet d’une convention conclue entre l’État et la collectivité. Le personnel fait également l’objet d’un transfert, selon des règles spécifiques prévues dans le projet de loi.

L’article 7 du projet de loi prévoit une procédure similaire pour un transfert expérimental, d’une durée de cinq ans, des routes nationales à destination, cette fois, de régions qui se porteraient candidates. Cette mise à disposition conduit à la substitution de la région à l’État dans tous ses droits et obligations concernant les routes transférées.

Selon l’article 33 du texte, les transferts de propriété ou la mise à disposition de ces routes seront compensés selon la méthode classique de compensation des charges transférées, par dotations pour les métropoles et par attribution d’une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les départements. Cette compensation sera égale à la somme :

  • d’un montant égal à la moyenne des dépenses d’investissement actualisées et constatées sur les cinq années précédant le transfert, hors taxes et hors fonds de concours ;
  • d’un montant égal à la moyenne des dépenses de fonctionnement actualisées et constatées sur les trois exercices précédant le transfert ;
  • minorée des réductions brutes de charges ou des ressources affectées aux biens transférés.

À la lecture de ces dispositions, plusieurs éléments peuvent inquiéter. En premier lieu, l’attribution d’une dotation de compensation pour les métropoles fera sans aucun doute l’objet d’une critique portant sur la probable baisse de cette dotation lors de futurs « coups de rabots » budgétaires. Mais surtout, la méthode de calcul des charges transférées interpelle dans la mesure où des routes nationales qui n’ont pas fait l’objet de dépenses d’investissement et d’entretien récentes — c’est-à-dire qui coûteront cher à l’avenir — sont spécifiquement celles qui feront l’objet d’une faible compensation financière.

Plusieurs points plus précis semblent également manquer ou devront faire l’objet d’une attention particulière des collectivités intéressées par le transfert : l’amortissement comptable des équipements concernés est-il bien identifiable ou est-il globalisé par l’État ? Quel sera l’impact sur la trésorerie des collectivités d’une compensation en hors taxe ? Les collectivités pourront-elles contre-expertiser les coûts d’entretien et de renouvellement proposés par l’État ?

Le projet de texte peut ainsi être salué, dans le principe, pour son « élan décentralisateur ». Mais en pratique, les conditions financières des transferts mériteraient un travail d’étude conjoint entre la collectivité concernée et l’État, tant sur l’état des routes transférées que sur des modalités de compensation fondée sur les charges nécessaires pour que l’ensemble des routes transférées soient dans un état d’entretien similaire. Un travail qui semble toutefois difficile à mener dans les trois mois de délai prévu par la loi.