Dotations : les communes nouvelles gagnantes sur tapis vert

Par Julien Chemoul

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L'État a instauré des avantages financiers afin d'encourager les regroupements de communes. Toutefois, lorsque les calculs ont été faits, certaines communes nouvelles se sont senties lésées. Ainsi, dans le cas jugé par le tribunal administratif de Dijon le 16 octobre 2017 (TA Dijon, 16 oct. 2017, n° 1602958, Commune de Charny Orée de Puisaye), la commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye contestait les décisions du Préfet de l'Yonne lui attribuant sa dotation nationale de péréquation et sa dotation de solidarité rurale.

Concernant la dotation nationale de péréquation, le préfet avait fait application des dispositions de l'article L. 2334-14-1 du Code général des collectivités territoriales qui disposent qu' « à compter de 2012, l'attribution au titre de la part principale ou de la part majoration de la dotation nationale de péréquation revenant à une commune éligible ne peut être ni inférieure à 90 %, ni supérieure à 120 % du montant perçu l'année précédente ».

La commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye faisait valoir qu'il convenait d'appliquer les dispositions dérogatoires de l'article L. 2113-22 du même code disposant que « Les communes nouvelles sont éligibles aux dotations de péréquation communale dans les conditions de droit commun. Toutefois, elles perçoivent à compter de l'année de leur création une attribution au titre de la dotation de solidarité rurale au moins égale à la somme des attributions perçues au titre de chacune des trois fractions de la dotation de solidarité rurale par les communes anciennes, l'année précédant la création de la commune nouvelle. […] Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l'année précédant la création de la commune nouvelle ».

Le tribunal a alors considéré « que ce régime particulier aux communes nouvelles pendant les trois ans qui suivent leur création, dont le but est de leur garantir le niveau antérieur de dotation des communes concernées, exclut implicitement mais nécessairement l’application des dispositions générales du VI de l’article L. 2334-14-1 du Code général des collectivités territoriales, qui limite la variation de la dotation nationale de péréquation d’une année à l’autre ».

Cette application de l'adage traditionnel specialia generalibus derogant, c'est-à-dire les règles spéciales dérogent aux règles générales, nous paraît être tout à faire conforme à la lettre et à l'esprit des textes.

Concernant la dotation de solidarité rurale, la situation était plus délicate. En effet, une seule commune ancienne était éligible à la fraction bourg-centre de cette dotation. Le préfet a alors appliqué le plafond de 120 % à cette quote-part dû faire application du calcul de droit commun.

Encore une fois, le tribunal a fait droit à cette demande en estimant que le calcul selon les règles de droit commun constituait le principe. Ce n'est qu'à titre subsidiaire, dans le cas où ce calcul aboutirait à un montant inférieur à la somme des dotations perçues l'année précédente, que la commune nouvelle perçoit ce montant plancher.

Cette jurisprudence s'inscrit dans un mouvement général déjà initié par la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 24 mai 2017, n° 16NT01707, Ministre de l’Intérieur c/ Tinchebray-Bocage).

Toutefois, l’État espère que cette jurisprudence ne sera pas confirmé en cassation par le Conseil d’État.

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