L’impact des fusions d’EPCI sur les dotations des communes membres : la complexité d’un système basé sur la péréquation horizontale

Par Tiphaine Huige

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Jusqu’en 2010, la péréquation était essentiellement mise en œuvre au travers de dotations de l’État. Depuis la réforme de la taxe professionnelle, a été enclenché un mouvement de développement de la péréquation dite horizontale qui repose sur la péréquation des ressources fiscales des collectivités, et ce pour l’ensemble des catégories, au sens large, de « collectivités », à savoir les groupements et leurs communes membres, les départements et les régions.

De manière globale, le mouvement a pour but d’accompagner la réforme de la fiscalité locale en prélevant les collectivités disposant des ressources les plus dynamiques suite à la suppression de la taxe professionnelle pour les reverser aux collectivités moins favorisées.

Dans le même temps, la péréquation verticale, qui repose sur des prélèvements sur les recettes de l’État, se heurte à la contrainte budgétaire et se traduit, de façon croissante, par des redéploiements au sein des dotations.

Créés pour mettre en œuvre une péréquation horizontale du produit de taxe professionnelle au niveau départemental, les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle (FDPTP) ont été modifiés lors de la réforme de la taxe professionnelle en 2010.

En effet, suite à la réforme de la taxe professionnelle, les reversements opérés au titre des « versements prioritaires » et des « communes concernées » ont été consolidés dans la garantie individuelle de ressources des structures locales qui les percevaient auparavant.

Par ailleurs, la part répartie au profit des structures défavorisées a été maintenue dans le cadre de fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle régis par l’article 1648 A du Code général des impôts (CGI).

Cette dotation de chaque FDPTP est aujourd’hui prélevée sur les recettes de l’État et répartie par le Conseil départemental, à partir de critères objectifs définis par lui à cet effet, entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunal (EPCI) défavorisés, qui doivent obligatoirement faire référence à la faiblesse de leur potentiel fiscal ou à l’importance de leurs charges.

Concernant la répartition du FDPTP, tout en étant tenus de s’appuyer sur des « critères objectifs » et d’en faire une application constante et uniforme sur leur territoire, les départements disposent d’une certaine latitude pour pondérer les critères d’éligibilité entre eux et pour définir d’autres critères.

Sans limiter la liberté d’appréciation du Conseil départemental, plusieurs ratios peuvent être utilisés, à savoir, à titre d’exemple, l’importance de la voirie, de la population, le montant de la dette par habitant, le nombre d’allocataires de minima sociaux, etc.

Ces ratios, combinés entre eux de façon adéquate, doivent permettre de caractériser la situation propre de chaque collectivité (communes et EPCI) du département au regard de ces critères, et ainsi d’arrêter, par délibération, les collectivités bénéficiaires.

Ainsi, la rédaction de l’article 1648 A du CGI n’exclut pas l’utilisation d’autres critères en complément du potentiel fiscal et des critères de charges qui permettent d’affiner les conditions d’éligibilité des collectivités défavorisées. Néanmoins, il appartient au département de les définir de manière claire et transparente en amont de la répartition.

En cas de regroupement d’EPCI, les dotations de péréquation perçues par les communes membres d’une communauté en régime de fiscalité professionnelle unique (FPU) vont nécessairement être impactées par cette fusion.

Pour déterminer l’éligibilité à ces dotations et le niveau des montants attribués, deux critères sont principalement à prendre en compte, dont la valeur va être modifiée en cas de fusion de groupements :

Le potentiel financier par habitant (PF/hab)

Le potentiel financier par habitant a pour finalité de mesurer la richesse fiscale potentielle de la commune, ce qui permet de la comparer aux autres communes appartenant à la même strate.

Le PF/hab. est constitué en régime de fiscalité professionnelle unique :

  • d’une part fixe, qui correspond aux ressources directes de la commune. De manière générale, ces ressources ne sont pas impactées par la fusion d’EPCI ;
  • d’une part variable, qui correspond aux produits de fiscalité professionnelle perçus par l’EPCI (CFE, CVAE, TASCOM, IFER, FNGIR et DRCTP notamment), étant précisé que ces produits sont ventilés au prorata de la population de chaque commune.

Il convient de préciser que c’est cette part variable qui va être, principalement, impactée par une fusion d’EPCI.

L’effort fiscal

À gros traits, l’effort fiscal sert à mesurer la pression fiscale des ménages consolidée sur le territoire de la commune. C’est, en réalité, la variation de la pression fiscale communautaire – qui nécessairement résulte de la fusion d’EPCI – qui va impacter ce critère. En effet, suite à la fusion d’EPCI, de nouveaux taux communautaires vont alors s’appliquer sur le territoire des communes membres, modifiant ainsi leur effort fiscal.

Suite à la fusion des EPCI, l’effort fiscal augmentera en cas de hausse de la pression fiscale communautaire et diminuera en cas de baisse de cette même pression fiscale communautaire.

Notons toutefois qu’une hausse de l’effort fiscal pourra jouer, de manière positive, sur l’éligibilité aux dotations et sur le calcul des montants attribués.

Enfin, il est utile de préciser, que suite à la fusion d’EPCI, deux autres éléments pourront impacter les dotations des communes membres.

En effet, les transferts ou restitution de compétences suite à la fusion d’EPCI peuvent impacter les attributions de compensation des communes et modifier ainsi le calcul de la minoration de la dotation globale de fonctionnement et le potentiel financier de la commune.

Aujourd’hui, le système de répartition des dotations s’appuie de plus en plus sur le mécanisme de péréquation horizontale – dont le FDPTP fait partie – qui s’opère entre les collectivités territoriales elles-mêmes, les ressources fiscales des collectivités les plus riches étant prélevées au profit des collectivités moins favorisées.

Sources :