Revue des règles applicables en matière de TVA dans les marchés publics

Par Nicolas Quénard

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Mondialement adoptée après avoir été instituée en France par la loi du 10 avril 1954, la taxe sur la valeur ajoutée procède d’une idée simple, celle de remplacer une constellation de taxes cumulatives sur le chiffre d’affaires et la production par une taxe unique, taxant chaque stade de la filière production-consommation sur la seule valeur ajoutée constituée à ce stade.

Idée lumineuse, la TVA représente désormais près de la moitié des recettes fiscales de l’État français, soit 145 milliards d’euros pour 2016. Les administrations publiques n’y sont donc pas étrangères, notamment dans le cadre des marchés publics qu’elles concluent. Difficile néanmoins pour ces dernières de maîtriser un sujet aussi complexe, notamment lors qu’il se mêle au droit des contrats publics.

Décryptage de quelques points essentiels auxquels les administrations doivent impérativement faire attention, tant en matière de passation (I) que d’exécution (II).

I. PASSATION : SEUILS, OFFRES ET PRIX

  1. S’agissant des seuils, il est nécessaire de rappeler que le calcul du montant d’un marché public doit être réalisé hors taxe afin de le confronter aux seuils de procédure de mise en concurrence et de publicité.

En effet, le calcul de ce montant n’a pas pour objectif d’apprécier le niveau de dépense du pouvoir adjudicateur, il vise à apprécier la valeur des recettes qu’un potentiel soumissionnaire pourrait retirer de l’exécution du marché. Le montant de la TVA, ne faisant pas partie desdites recettes, doit bien évidemment en être exclu.

  1. Concernant l’analyse des offres, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose une analyse des prix des soumissionnaires sur une base hors taxe ou toutes taxes comprises. Toutefois, la DAJ recommande de procéder à une analyse toutes taxes comprises, sauf à ce que la personne publique puisse soustraire par voir fiscale le montant de la TVA ayant grevé le prix des prestations commandées. En effet, « l’analyse doit toujours être faite (TTC), au regard de la somme qui doit être réellement mise à la charge du pouvoir adjudicateur » et ce même si la pluralité d’offres répond à des taux de TVA différents.

L’analyse des offres réalisée sur une base hors taxe étant susceptible de constituer une rupture d’égalité de traitement pour les candidats bénéficiant d’une exonération de TVA, cette position a été confirmée par deux décisions des tribunaux administratifs de Grenoble et de Marseille.

II. EXÉCUTION

  1. UNE TVA INCLUSE DANS LE PRIX DE RÈGLEMENT

La TVA est nécessairement incluse dans le prix de règlement, défini comme le prix effectivement payé au titulaire du marché. En effet, selon le Conseil d’État, un prix ne mentionnant pas la TVA doit être réputé l’inclure, le titulaire ne pouvant pas revendiquer le droit de la facturer en sus du prix convenu ; et ce parce que la TVA est un élément grevant le prix et non un accessoire dudit prix.

Ainsi que l’affirme le Conseil d’État : « Par suite, dans une affaire soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le vendeur ou le prestataire de service, à moins qu'une stipulation expresse fasse apparaître que les parties sont convenues d'ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération ».

En sus, en cas d’erreur sur la TVA (et non plus d’absence), le prix de règlement des prestations devra intervenir au taux légalement en vigueur puisqu’il est admis qu’il est impossible de déroger par voir contractuelle à un taux prévu légalement.

Néanmoins, dans ce dernier cas, bien que le taux de TVA doive être rectifié au taux légal, le montant TTC figurant au sein du contrat ne peut changer unilatéralement. Le prix de règlement, malgré la modulation du taux de TVA, ne pourra être compris que la limite du montant du marché, potentiellement au détriment de l’entreprise attributaire.

  1. TVA EN MATIÈRE DE SOUS-TRAITANCE

Du fait du lien financier direct (au sens de l’article 266 du Code général des impôts) existant entre un pouvoir adjudicateur et un sous-traitant du titulaire d’un marché public attribué par ce même pouvoir adjudicateur, lorsque ce dernier paie directement le sous-traitant, ce n’est pas le titulaire du marché qui est redevable légal de la TVA, mais bien le sous-traitant.

Néanmoins, à partir du 1er janvier 2014, un mécanisme d’autoliquidation de la TVA a été mis en place dans les marchés de travaux. Selon ce mécanisme, ce n’est plus le sous-traitant, mais le donneur d’ordre (nommé preneur dans l’article 283. 2 nonies du Code général des impôts) qui doit payer la TVA, les sous-traitants en étant désormais exonérés.

En pratique, le sous-traitant, quel que soit son rang, ne doit donc plus facturer la TVA relative à ces travaux et doit mentionner sur la facture qu’il applique le système d’autoliquidation tandis que le preneur, ou donneur d’ordre, doit déclarer le montant hors taxe des travaux que lui fournit son sous-traitant et déclarer la TVA.

Par ailleurs, il convient de souligner que ce système d’autoliquidation peut très bien se combiner avec le système de paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage. Dans un tel cas, le maître d’ouvrage paie le sous-traitant sur une base hors taxe et l’entrepreneur principal procède à l’autoliquidation de la TVA (toujours en application de l’article 283. 2 nonies du CGI).

  1. APPLICATION DE LA TVA AUX PÉNALITÉS, INDEMNITÉS ET À LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES

1. Concernant des frais de réparation des préjudices, ces derniers comprennent en principe le remboursement de la TVA. Toutefois, si le demandeur relève d’un régime fiscal lui permettant de la déduire, la TVA en sera exclue. Dans ce cadre, il est important de souligner que les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions concurrentielles. Ainsi, dans les cas susmentionnés, la TVA ne serait pas remboursée puisque indue.

2. S’agissant des indemnités transactionnelles, trois types d’indemnités doivent être distinguées :

  • les indemnités en contrepartie d’un bien ou d’un service qui sont soumises à la TVA ;
  • les indemnités octroyées en réparation d’un dommage qui ne sont pas soumises à la TVA ;
  • et les indemnités mixtes qui sont soumises à la TVA pour la part portant sur la contrepartie d’un bien ou d’un service.

Toutefois, la TVA n’est pas à prévoir en présence d'une indemnité de résiliation pour cause de résiliation pour motif d’intérêt général prévue par les différents CCAG.

3. Selon la DAJ, les pénalités de retard ne sont pas soumises à la TVA. En effet, la TVA n’est applicable que lorsque la somme d’argent constitue la contrepartie d’une prestation. Or, les pénalités de retard ne constituent pas la contrepartie d’une livraison de biens ou d’une prestation de service, mais une sanction contractuelle. Ainsi, désormais, conformément à une instruction de l’administration fiscale, les pénalités de retard ne sont pas soumises à la TVA.

Sources :