Pacte financier Collectivités-Etat : une clarification inachevée

Par Julien Chemoul

Publié le

Depuis le début du nouveau quinquennat, les annonces touchant les finances des collectivités territoriales se multiplient sans que l'on sache véritablement ce qui relève de l'info ou de l'intox. La présentation du Projet de Loi de Finances pour 2018 et les annonces gouvernementales récentes permettent de lever un certain nombre de doutes.

Le premier dossier brûlant concerne évidement l'exonération pour 80 % des contribuables de la taxe d'habitation à l'horizon 2020. Le premier ministre a indiqué lors de la Conférence des villes le 20 septembre dernier que celle-ci se ferait par la voie du dégrèvement. Ce mécanisme consiste simplement pour l'Etat à prendre en charge le montant de l'imposition du redevable. Ainsi, chaque collectivité continuera à bénéficier des ressources qu'elle aurait perçu en l'absence de cette exonération. Toutefois, il précise qu' « à l'issue de la réforme, la compensation sera calculée en 2020 sur la base des taux votés en 2017 ». Or, il semble que le gouvernement ne souhaite pas limiter le pouvoir de fixation de ce taux d'imposition par les collectivités. Il s'en suivrait que les contribuables, en cas d'augmentation de taux, seraient amenés à payer la quote-part de taxe d'habitation qui ne serait pas prise en charge par l'État. En outre, les associations d'élus ont toujours en mémoire la suppression de la taxe d'habitation pour les régions en 2000. Celle-ci s'est faite par la voie du dégrèvement avant de se transformer en compensation en 2001 et de quasiment disparaître au fil du temps. De plus, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle va diminuer de 240 millions en 2018 pour s'établir à 2,86 milliards et pour la première fois le bloc communal sera concerné par ce prélèvement. Le Président du Comité des finances locales ne manque pas de remarquer qu' « on nous avait dit que cette dotation destinée aux perdants de la taxe professionnelle serait compensée à l’euro près. Elle a été gelée en 2010 et aujourd’hui elle est non seulement gelée mais amputée ». La méfiance est donc de mise face aux annonces gouvernementales de maintien de ressources.

Le second dossier a trait à la baisse de 13 milliards d'euros des dépenses des collectivités territoriales. Après, les baisses de la dotation globale de fonctionnement sur les dernières années, cette annonce constituait un point de crispation fort pour les élus locaux. Le Premier Ministre précise que cette baisse ne se fera pas en valeur absolue mais de manière tendancielle. À cette fin, des conventions vont être signées avec les 319 plus grandes collectivités, représentant plus des deux tiers des dépenses de fonctionnement. Ces contrats porteront autour de deux objectifs : d'une part la limitation, sur 5 ans, de l'augmentation de ces dépenses à 1,2 % par an hors inflation, et d'autre part, un recours moindre à l'endettement pour le financement des investissements. Dès 2019, un système de bonus malus en dotation d'investissement sera mis en place en fonction des résultats de ces collectivités. Il demeure une grande incertitude pour l'ensemble des collectivités qui ne seront pas soumises à ce mécanisme de contractualisation. En effet, elles seront aussi concernées par cette baisse tendancielle des dépenses de fonctionnement sans que l'on sache pour le moment sur quelles bases s'opéreront les calculs. Cela revient à dire que plus de 99 % des collectivités locales ne possèdent pas les éléments nécessaires à la mise en œuvre de leur plan de mandature.

Afin de permettre cette diminution des dépenses de fonctionnement, le gouvernement crée un fonds de soutien à la modernisation des collectivités territoriales doté de 50 millions d'euros intégré à la dotation de soutien de l'investissement local. L'encouragement porte aussi sur les mutualisations et notamment une majoration de 5 % de la DGF des communes nouvelles comprises entre 1 000 et 10 000 habitants.

La DGF des régions est supprimée et remplacée par une fraction de TVA. Cette substitution leur permettra de bénéficier d'une recette dynamique à hauteur de 100 millions d'euros par an, sur un total de 4,1 milliards d'euros au départ. Toutefois, un point de friction majeur est apparu avec la suppression du fonds de développement économique de 450 millions d'euros qui leur avait été alloué en vue de financer le renforcement de cette compétence dans la loi NOTRe.

Les dotations de péréquation des communes augmentent de 180 millions d'euros (90 millions pour la DSU et 90 millions pour la DSR) ainsi que 10 millions d'euros pour les fonds départementaux.

Le gouvernement met l'accent sur le soutien à l'investissement avec une enveloppe de 1,8 milliards d'euros au titre de la dotation à l'équipement des territoires ruraux (996 millions), la DSIL (665 millions) et la dotation de soutien aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (150 millions d’euros). De plus, 10 milliards d'euros seront accessibles aux collectivités, sur les 57 milliards du plan, afin de remplir les objectifs prioritaires que sont la transition écologique, la formation professionnelle, la compétitivité et l'innovation et la transformation numérique.

Cette multiplication des fonds dédiés aux investissements inquiète l'Association des Maires de France qui y voit « un retour en arrière sur la globalisation des années 80 qui a abouti à une dotation globale libre d’emploi ».

Il ressort de ce nouveau pacte financier une volonté gouvernementale de pousser vers une mutualisation et une concentration accrue des collectivités territoriales, et dans le même temps, un objectif d'apaisement des relations entre pouvoir central et les exécutifs locaux avec le maintien en valeur de la DGF (+386 millions d'euros). Il reste à espérer que l'impulsion donnée assurera une certaine stabilité des règles du jeu dans le temps, facteur indispensable à la mise en place de politiques publiques cohérentes.

Sources :