Douche froide pour les élus locaux lors de la première conférence nationale des territoires : l’effort novateur demandé par le Gouvernement s’élève à 13 milliards d’euros

Par Tiphaine Huige

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La conférence nationale des territoires (CNT) vient d’être créée dans le but de faire en sorte que les collectivités soient associées, en amont, à toute décision émanant de l’État les concernant. En substance, il est prévu davantage de liberté de s’organiser localement ainsi qu’un un appui de l'État plus fort en ingénierie publique aux projets territoriaux. Toutefois, les dépenses publiques locales devront diminuer de 13 milliards d’euros sur le quinquennat, par la mise en place d’une technique plutôt novatrice (et incertaine). Attention, terrain glissant !

I. La participation des collectivités à l’effort collectif pour réduire le déficit et contenir la dépense publique 

L’ambition affichée est d’aboutir à l'horizon de décembre à un pacte global État/collectivités à 5 ans offrant plus de visibilité aux élus locaux. Or, la préparation du budget 2018 implique des décisions financières plus rapides…

Surprise glaçante, peu appréciée des élus locaux, lors de la toute première CNT le 17 juillet dernier : sur l’ensemble du quinquennat, 13 milliards € (Md€) d’économies sont réclamées aux collectivités locales sur leurs dépenses de fonctionnement et non 10 Md€, comme annoncé par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, qui considère avoir sous-estimé la part des collectivités au redressement des comptes publics.

La raison de cette augmentation ? Le plan national d’économies – depuis l’audit de la Cour des comptes – n’est plus de 60 milliards, mais de 80. Donc 13 Md€, non plus 10, soit la part des collectivités territoriales dans la totalité des dépenses publiques.

Si la confirmation de l’exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages par le Président de la République lors de cette première CNT inquiète les élus locaux, ils le sont encore davantage concernant les 13 Md€ d’économies demandées aux collectivités.

Le premier ministre, Edouard Philippe, a ensuite prôné, lors d’une conférence de presse, « une réflexion d’ensemble sur la fiscalité locale ». Les économies demandées ne seraient ainsi pas calculées sur le montant des dépenses enregistrées en 2017 mais sur la « hausse tendancielle » de leurs dépenses de fonctionnement d'aujourd’hui à 2022. Le gouvernement n’a donc finalement pas retenu le principe de baisse unilatérale des dotations.

Visiblement, il n’y aura donc pas de baisse des dotations, mais le gouvernement enjoint aux collectivités de réaliser des économies supplémentaires et « intelligentes ».

Pour les collectivités qui ne joueront pas le jeu, un mécanisme de correction l’année suivante sera mis en place. « Mes problèmes, ce sont un peu les vôtres aussi… » a fini par lancer Emmanuel Macron lors de la 1re CNT.

Cet effort devrait tenir compte de l’augmentation naturelle des charges des collectivités et de l’inflation, ce qui semble être un calcul plus favorable pour les collectivités [comme le mentionne Philippe Laurent, secrétaire général et président de la commission des Finances de l’AMF] puisque les économies réalisées seraient calculées par rapport à cette tendance. Petite révolution en somme.

II. Le rôle attendu des comités dits « Théodule »

À la réflexion du calcul des économies demandées par le gouvernement sur la hausse tendancielle des dépenses de fonctionnement sur le quinquennat à venir, les associations d’élus semblent vouloir se rapprocher de l’expertise et de l’évaluation de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, qui est un organisme composé à parité d’experts de l’État et des collectivités locales.

Le président du comité des finances locales (CFL), André Laignel, n’a pas exclu de créer un groupe de travail sur ce sujet.

Si un tel mécanisme était envisagé, au lieu de devoir réduire leurs dépenses de fonctionnement sur la base d’une année de référence, les collectivités devraient, en réalité, de manière tendancielle, ralentir leur progression prévisionnelle pour les années à venir. De cette façon, les collectivités suivraient la règle que l’État s’applique à lui-même.

Pour Philippe Laurent, il convient toutefois d’être prudent. En effet, il met en exergue le fait que seule la loi de finances compte, que seul le vote pourra sceller les dires du gouvernement, qui pourrait être tenté d’entreprendre une opération de communication pour calmer le jeu.

Le calcul tendanciel projeté aurait fait l’objet de demandes de simulations complémentaires dans le but d’aboutir à des hypothèses d’évolution dites « incontestables », pour que les négociations puissent s’engager a minima sur des bases partagées.

Pour conclure le pacte de responsabilité avec les collectivités, l’État souhaite à les associer à cinq chantiers de manière à atteindre les objectifs fixés par la France en termes de déficit public.

Ces chantiers devront être conclus d’ici le 2 décembre prochain, date prévue pour la deuxième conférence nationale des territoires du quinquennat.

En effet, le Comité de pilotage « enjeux financiers » doit, particulièrement, s’intéresser au « contrat de mandature » financier État-collectivités (2018-2022) que le gouvernement espère signer avec les associations d’élus à l’occasion de la prochaine CNT. Cette réflexion – qui recoupe en partie celle déjà engagée par le CFL – sera conduite par une mission paritaire (État et associations d’élus), qui est actuellement en cours de constitution.

Dans cet optique, le CFL [membre de la CNT] pourra proposer des points à l’ordre du jour de la CNT, qui pourra, quant à elle, saisir le CFL sur certains points, selon « l’accord de méthode » transmis par l’État aux associations à l’issue de la CNT.

De la même manière, l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales apporte son concours aux travaux de la CNT.

Une logique de coopération et de collaboration est donc à relever dans la mise en œuvre de ce projet. La méthode de négociation est en effet à plébisciter.

Même si André Laignel se méfie des comités dits « Théodule », il affirme que ces comités peuvent toujours s’autosaisir si le gouvernement passe outre leur consultation, rappelant au passage la légitimité du CFL et de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

Le pacte financier a, notamment, pour finalité de sécuriser les contributions des collectivités au redressement des comptes de la nation.

En réalité, le Pacte que propose Emmanuel Macron aux collectivités peut se résumer ainsi : économies contre autonomie. En effet, le Président en place réclame de nouvelles économies mais promet de la visibilité et des libertés aux élus.

Une journée de « thérapie collective » suffira-t-elle à réconcilier de nombreuses années de conflit entre l’État et les collectivités ? La recherche constante d’adaptation des politiques publiques au territoire continue. Affaire à suivre...