Subventions exceptionnelles aux communes : aide-toi et l’État t'aidera

Par Julien Chemoul

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L’article 2335-2 du CGCT dispose que « des subventions exceptionnelles peuvent être attribuées par arrêté ministériel à des communes dans lesquelles des circonstances anormales entraînent des difficultés financières particulières ».

Ce dispositif est doté de crédits relativement modestes puisqu’il représente environ 2M€ chaque année. Elles permettent néanmoins à des communes confrontées à un contexte difficile de pouvoir faire face à ces aléas.

Par circulaire en date du 20 avril 2017, la Direction générale des collectivités territoriales vient de préciser les conditions d’application de ces subventions ainsi que la procédure à suivre pour l’obtention d’une telle subvention.

Les conditions d’attribution sont très strictement appréciées. En premier lieu, l’article L. 1524-4 prévoit qu’une commune n’est pas éligible si l’origine de ses difficultés résulte « de sa participation au capital d’une société d’économie mixte locale ou de la garantie qu’elle a accordée aux emprunts contractés par une telle société lorsque les participations ont été prises ou les garanties accordées postérieurement au 8 juillet 1983, date de publication de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales. » Le dispositif n’est pas cumulable avec le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement des armées prévu à l’article L. 2335-2-1 du CGCT.

La question centrale se pose alors sur la notion de circonstances anormales. Ni le Code, ni la circulaire ne donne une définition de celle-ci. Toutefois, il nous paraît ressortir de l’esprit des textes que cela s’apparente à un cas de force majeure pour la commune concernée. Ainsi, ces circonstances doivent présenter un caractère d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité. Par conséquent, cette subvention n’a pas vocation à financer les difficultés résultant de dépenses de la section d’investissement en inadéquation les capacités de financement de la commune. Dans ce cas, cette dernière devra prendre les mesures nécessaires à l’apurement de ce programme soit en le révisant à la baisse, soit en augmentant ses ressources propres.

Le budget de la commune ne doit pas avoir été voté en équilibre au sens de l’article 1612-4 du CGCT. Pour rappel, l’équilibre réel repose sur trois critères cumulatifs :

  • vote en équilibre de la section de fonctionnement ainsi que de la section d’investissement ;
  • évaluation sincère des recettes et des dépenses ;
  • annuité de la dette couverte par des recettes propres : couverture du remboursement du capital de la dette par le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d’investissement ajouté aux recettes propres de cette section, à l’exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d’amortissement et de provisions.

Si le représentant de l’État constate un déséquilibre, il saisit la chambre régionale des comptes dans un délai de 30 jours, à compter de la transmission du budget, conformément à l’article 1612-5 du CGCT. La CRC dispose alors d’un délai de 30 jours pour contrôler le budget et vérifier l’existence de ce déséquilibre. Elle propose à la commune un plan de redressement nécessaire au rétablissement de l’équilibre. Les mesures classiquement proposées comportent l’augmentation des taux d’imposition, la diminution du plan d’investissement, la réduction des dépenses de fonctionnement notamment les frais de personnel et les charges à caractère général. Ce plan est alors transmis concomitamment au préfet et à la commune. Il est alors présenté dans un délai de 30 jours à l’organe délibérant. Soit la commune adopte un budget intégrant des propositions jugées suffisantes par la chambre régionale, soit elle refuse ou les mesures ne sont pas jugées suffisantes et le budget est alors réglé d’office par le préfet. Celui-ci peut s’écarter des propositions faites par la CRC mais il doit alors le justifier auprès d’elle.

Dans le cadre de ce contrôle, la chambre peut estimer qu’un plan de rétablissement prendrait trop de temps ou qu’il relève de la « formalité impossible », c’est-à-dire que le rééquilibrage du budget n’est atteignable. C’est uniquement dans ce dernier cas que la commune sera éligible aux subventions exceptionnelles.

À ce stade, nous mettons en évidence que les communes concernées doivent se trouver dans une situation d’une gravité extrême pour pouvoir être simplement éligible. En effet, même entrant dans cette catégorie, l’attribution de la subvention n’est pas automatique. Elle relève en premier lieu d’une appréciation souveraine du représentant de l’État qui saisira les services de la Direction générale des collectivités territoriales. Sa demande sera accompagnée du dossier suivant :

  • historique des difficultés rencontrées par la commune (nombre de saisine de la CRC, origine des difficultés financières, date de mise en place du plan de redressement par la CRC, évolution constatée) ;
  • liste des recommandations préconisées par la CRC lors de la mise en place du plan de redressement ;
  • la date prévue pour le retour à l’équilibre ;
  • les mesures mises en œuvre par la commune afin de répondre aux attentes de la CRC ;
  • la capacité de la commune à pouvoir surmonter les difficultés au vu des indicateurs économiques et sociaux (chômage, attractivité du territoire, tourisme, etc.) ;
  • l’avis du préfet sur le montant demandé par la commune.

Il est complété des pièces annexes suivantes :

  • les trois derniers comptes administratifs et le dernier BP (ou BS le cas échéant) ;
  • une analyse financière détaillée de la commune sur une période de 3 ans ;
  • toute information utile concernant l’éventuelle inscription de la collectivité dans le réseau d’alerte des finances locales ;
  • les trois derniers états 1259 relatifs aux taux des taxes directes ;
  • une copie du ou des avis de la CRC ;
  • une copie du ou des délibérations du conseil municipal apportant ou non des modifications au budget conformément à l’avis de la CRC ;
  • le cas échéant, une copie de l’arrêté préfectoral de règlement du budget ;
  • une copie du ou des courriers des élus demandant une aide exceptionnelle.

Cette liste indique que la commune doit déjà avoir eu une action forte pour tenter de résorber ses difficultés. L’instruction portera notamment sur l’action de la commune en matière de taux d’imposition. Les services DGCL vérifieront que la collectivité demandeuse a déjà pratiqué une ou plusieurs augmentations des impôts. La circulaire précise que « cette aide de l’État ne doit pas être considérée comme un moyen habituel de financement et n’a pas vocation à financer la totalité du déséquilibre, mais plutôt à favoriser la mise en place d’un plan de redressement. Elle vient donc en complément de mesures locales. En l’absence d’effort significatif de la collectivité locale, aucune subvention ne sera accordée afin de garantir à ce dispositif son rôle incitatif ».

De plus, bien que la saisine appartienne au représentant de l’État, les élus sont étroitement associés à la procédure dans la mesure où ils doivent produire un courrier de demande de cette aide.

La date limite de dépôt des dossiers est fixée au 30 juin. La décision finale revient au ministre de l'Économie, de l'Action et des Comptes publics et au ministre de l’Intérieur. En cas d’acceptation, ils prennent un arrêté conjoint d’attribution. La subvention ainsi attribuée n’est renouvelable automatiquement mais une nouvelle demande pourra intervenir l’année suivante.

L’article L. 132-2 du Code des juridictions financières dispose que « la liste des communes ayant bénéficié de subventions exceptionnelles en vertu des dispositions de l’article L. 2335-2 du Code général des collectivités territoriales et le montant détaillé de ces subventions font l’objet d’une publication dans le rapport annuel de la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement du budget de l’État ».

Enfin, ces communes font l’objet d’un suivi financier pendant 5 ans.

Les communes qui ont le plus bénéficié, en nombre de ce dispositif, sont les communes forestières qui ont été victimes des tempêtes Klaus, Erika ou Xynthia. On peut envisager, dans le contexte actuel, que les communes touristiques voyant leur fréquentation diminué du fait d’actes de terrorisme pourront aussi bénéficier de ces subventions.

Sources :